Le préjudice d’anxiété nait le jour de l’exposition du salarié à l’amiante
La Cour de cassation vient d’apporter de nouvelles précisions sur le volet assurantiel de l’indemnisation du préjudice d’anxiété.
L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a institué en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l’amiante, sans être atteints d’une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite.
Ce régime est limité aux salariés travaillant ou ayant travaillé au sein d’un établissement dont la liste est établie par arrêté ministériel, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante.
Sur le fondement de ce dispositif, la Cour de cassation a admis la réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété tenant à l’inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante.
Elle a jugé que le préjudice d’anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l’arrêté ministériel d’inscription de l’établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’ACAATA.
Mais le droit de l’assurance a sa logique propre.
C’est la loi n°2003-706 du 1er août 2003 qui règle la question de l’application dans le temps des garanties. Elle a inséré, dans le code des assurances, un nouvel article L. 124-5 qui prévoit que “la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre”.
En l’espèce, la détermination du fait générateur du préjudice d’anxiété était centrale, puisqu’il était question de savoir s’il était intervenu pendant la période de garantie, et donc si l’assureur devait la garantie aux employeurs pour le paiement des indemnités réclamées en réparation du préjudice d’anxiété subi par certains de leurs salariés exposés à l’amiante.
La cour d’appel avait jugé que le fait générateur du préjudice d’anxiété était la conscience par le salarié du risque de développer une pathologie grave résultant de l’exposition à l’amiante. Elle en avait déduit que le fait générateur pour lequel la garantie était sollicitée était survenu en dehors de la période de garantie.
La Cour de cassation a censuré ce raisonnement. Elle a jugé que “le fait dommageable, dans les rapports entre l’assuré garanti au titre de la faute inexcusable et son assureur, est constitué par l’exposition à l’amiante, et non par la connaissance par le salarié de cette exposition ou l’inscription de l’entreprise sur la liste des établissements relevant de l’ACAATA”.
En raison de l’importance de cet arrêt, la deuxième chambre civile a décidé de le publier au Bulletin d’information de la Cour de cassation.
2e Civ., 15 décembre 2022,n° 21-16.682 F-B