Pas de concentration des demandes en matière d’indemnisation du préjudice

La Cour de cassation a rendu un arrêt qui intéressera aussi bien les processualistes que les spécialistes du dommage corporel.

Une jeune enfant avait eu la jambe gauche happée par la chaîne d’une station de lavage utilisée par sa mère pour procéder au nettoyage de son véhicule. Elle avait obtenu l’indemnisation de son préjudice corporel dans le cadre d’une première instance, puis avait introduit une nouvelle instance pour obtenir l’indemnisation de ses frais de prothèses futures.

Mais la cour d’appel avait déclaré irrecevable cette nouvelle demande en se fondant sur l’autorité de la chose jugée attachée à sa précédente décision au motif que la victime aurait dû présenter toutes ses demandes d’indemnisation, ou réserver des postes de préjudice, au cours de la première instance.

Le pourvoi posait la question de savoir si la victime, amputée de la jambe alors qu’elle était âgée de 3 ans, est recevable à former, ayant atteint l’âge adulte, une demande d’indemnisation des frais de prothèses futures, après qu’une première decision avait indemnisé son préjudice soumis à recours en y intégrant les débours de la caisse comprenant un «calcul du capital appareillage» effectué alors qu’elle était âgée de 10 ans.

Si l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif (Cass. Ass. plén., 13 mars 2009, Bull. Ass. plén., n° 3), il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estimait de nature à fonder celle-ci (Cass. Ass. Plén, 7 juillet 2006, Bull. Ass. Plén. n° 8). Il en résulte que le demandeur dont la demande a été rejetée, est irrecevable à représenter la même demande, en invoquant un fondement juridique non invoqué lors de la première instance. C’est le principe dit de concentration des moyens. Mais la Cour de cassation a refusé d’étendre le principe de la concentration des moyens aux demandes elles-mêmes (2e Civ., 26 mai 2011, Bull. II, n°117).

Au cas d’espèce, la Cour de cassation rappelle donc, au visa de l’article 1355 du code civil que s’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

Elle en déduit que la victime n’était donc pas tenue de présenter, au cours de la première instance, toutes les demandes fondées sur le dommage qu’elle avait subi.

En raison de l’importance de cet arrêt, la deuxième chambre civile a décidé de le publier au Bulletin d’information de la Cour de cassation.

2e Civ., 15 décembre 2022, n°21-16.007 F-B



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